Selon une opinion largement répandue en Suisse, l’islam interdirait toute image et serait hostile à toute représentation figurative – au contraire du christianisme. ‒ Mais cette affirmation est-elle vraiment exacte ? L’islam interdit-il catégoriquement les images ? Quant au christianisme, le deuxième commandement de Moïse ne précise-t-il pas : « Tu ne feras pas d’image »? Or, comment se fait-il que, d’une part, il existe une telle quantité de miniatures « islamiques », de bols en céramique et de textiles ornés de figures humaines ? Et comment expliquer, d’autre part, que des statues puissent être vénérées dans les églises catholiques ? Bref : qu’en est-il au juste de l’interdiction des images (aniconisme) dans les civilisations islamiques et chrétiennes ? Comment considéraient-elles la représentation figurée, et donc l’image d’êtres humains, et en particulier celle du prophète Mohammed et du Christ ?

Cette exposition se consacre pour la première fois à de telles questions sous forme d’analyse comparative interculturelle. Elle reconstitue les stratégies que l’islam et le christianisme ont développées au fil des siècles pour gérer l’interdiction des images, en se focalisant notamment sur le Moyen Âge, soit la période qui s’étend du VIe au XVIe siècle. La question des images fit en effet l’objet d’études approfondies de la part des théologiens durant cette époque. Les 136 œuvres exposées ici couvrent un espace géographique allant de l’Europe occidentale latine (royaume de France et Saint Empire romain germanique) à la Méditerranée orientale (Empire byzantin, et plus tard, Empire ottoman) ainsi que l’Asie occidentale (Perse), jusqu’à l’Asie du Sud (Empire moghol en Inde).

Dans l’Occident chrétien, c’est l’Église qui régit la question des images. Postulant un aniconisme au début, elle développera une théologie de l’image au centre de laquelle domine l’image cultuelle (une icône ou une statue), objet de vénération. Toutefois, des oppositions se manifestent, déclenchant à deux reprises une Querelle des images : la première au VIIIe/IXe siècle, la seconde durant la Réforme, peu après 1500, au cours de laquelle des images et des statues seront détruites.

Dans l’Orient islamique, la situation évolue plus paisiblement. Ce sont les différentes écoles juridiques qui définissent si une image est « interdite » ou seulement « répréhensible ». Nul ne contestait le fait que les images n’avaient pas leur place, ni dans la mosquée ni dans les activités religieuses. Dans tous les autres domaines, les différents acteurs et les rapports sociaux permettaient de renégocier au cas par cas la question des images. C’est ainsi que dans les cours princières de Perse, du royaume ottoman et dans l’Empire moghol en Inde naîtra une riche culture des images, tandis que les régions d’Afrique du Nord resteront extrêmement réticentes à cet égard.

Les discussions concernant l’image au Moyen Âge ont-elles une importance pour nous aujourd’hui ? ‒ Oui, et pour deux raisons. D’abord, l’exposition – comme nous l’avons évoqué plus haut – dissipe un préjugé tenace. D’autre part, nous vivons dans une époque dominée par les images, comme nulle autre auparavant. Elles sont omniprésentes et disponibles à tout moment. Nous connaissons certes le pouvoir de manipulation des images, et pourtant, nous leur faisons souvent aveuglément confiance. Dans l’exposition, cinq stations multimédia vous invitent à réfléchir à votre propre attitude envers les images.

Certains aspects seront en outre approfondis dans une série de conférences en marge de l’exposition. Des spécialistes de renommée mondiale y prendront la parole. Vous trouvez toutes les dates ici.

L’exposition a été réalisé avec le soutien de la Fondation Parrotia, l'Office fédéral de la culture OFC et la Fondation ACCENTUS, Fonds Elena Probst.



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